La chose ne m'était pas arrivée depuis longtemps, j'ai apprécié ce livre de la première à la dernière page, c'est un événement tellement rare, car beaucoup de livre que j'ai aimé ces derniers temps, ne m'ont vraiment apporté de plaisir qu'à la moitié de l'histoire et souvent de façon partielle. Il est réellement difficile de trouver des livres capables de vous cater l'esprit, de vous emporter ailleurs et de captiver l'attention. Je me demande si la dernière fois où j'ai ressenti une telle chose pour un livre ne remonte pas à la première lecture de Fool's fate, ce qui commence quand même à dater. C'est aussi extrêmement rare qu'un livre m'amène à pousser des exclamations de joie au moment du dénouement.
Du coup, je suis confrontée à un grand problème : que vous dire de ce livre ? d'un côté j'ai envie de transmettre ma joie mais en même temps, je ne veux absolument pas diminuer le plaisir de celles qui vont se lancer dans ce livre en en révélant trop, car un de mes grands plaisirs a été dans le fait de ne pas en savoir plus que ce qu'en dit la quatrième de couverture et une critique trouvée sur l'austenblog(link) où vous pourrez aller un jeter un coup d'oeil si vous voulez un résumé plus détaillé que le mien. Je suis d'ailleurs beaucoup plus enthousiaste que cette critique, car je ne me formalise pas du fait que l'auteur prend quelques libertés quant aux appelations, enfin n'allez pas vous imaginer des choses, la liberté de l'auteur consiste simplement dans le fait qu'Emma n'appelle pas constamment Mr Knightley, Mr Knightley mais Knightley, ce que, moi, je ne considère pas comme une faute car si on voulait se montrer plus royaliste que le roi, on pourrait aussi reprocher à l'auteur d'appeler notre héroïne essentiellement Emma et non Mrs Knightley. Le titre lui-même nous donne cet aspect puisque c'est "Emma & Knightley" et non Mr & Mrs Knightley, ce qui est un point que j'apprécie -je suis enthousiaste donc je fais des phrases proustiennes mais je vous promet d'arriver à la fin de cette phrase avant la fin de ce billet - car n'est-ce pas ainsi que nous, nous appelons ces deux personnages ? nous sommes entre fans d'Austen, alors pourquoi faire semblant ? ce n'est pas du Austen, c'est un livre écrit par une autre pour satisfaire notre insatiable curiosité donc je trouve que le choix des noms n'est pas d'une familiarité déplacé, car elle reflète notre propre familiarité avec les personnages, et je trouve ça mieux qu'Emma l'appelle de temps à autre Knightley car ça marque une plus grande intimité, dans le fait qu'elle se sent autorisée par son mariage à être légèrement plus informelle avec son époux sans pour autant réussir à l'appeler George, car c'est là une des grandes questions de l'histoire, Emma va-t-elle réussir à évoluer appeler Mr Knightley, George.
Je m'excuse pour cette digression dont vous n'avez pas forcément dû comprendre l'intérêt et qui est simplement dû au fait que je trouve la critique de l'austenblog trop pinailleuse, car je pense que dans le livre d'Austen, quand Emma reproche à Mrs Elton d'appeler Mr Knightley, Knightley, c'est plus dû au fait que c'est une trop grande marque de familiarité pour quelqu'un qui vient de débarquer, et non un signe que de la part d'Emma ce serait vulgaire puisqu'Austen écrit seulement :
Allez, j'arrête et je vous parle du livre et quoi de mieux pour commencer que de vous citer les premières lignes :
Sauf que voilà, la tragédie vient frapper Highbury, Jane Churchill décède en donnant naissance à un fils et pour courronner le tout Frank Churchill est depuis introuvable, et alors que Mr Knightley est parti à Londre à sa recherche, Emma tombe sur Frank qui hante les environs de Donwell Abbey à moitié fou de chagrin qui tient des propos relativement au manque de passion de Knightley qui vont venir troubler le bonheur d'Emma, d'autant que Mr Knightley semble ne pas faire preuve d'une complète ouverture à son endroit, ce qui amène Emma à se demander si son mari l'aime toujours, mais comment réussir à combler le fossé qui s'est créer entre eux ?
Le style qu'emploie Rachel Billington pour nous compter les efforts d'Emma pour arriver à son bonheur parfait est très agréable, tout est dans l'esprit de Jane Austen, on a un de l'humour et en même temps la relation amoureuse entre Knightley et Emma n'est jamais très explicitée, c'est pudique, comme vous pouvez vous-mêmes en juger par cet extrait issu d'un des premiers chapitres :
It was perhaps reprehensible that in their happiness neither let the tragic news of their friend's death so recently received darken the end of the day. Yet, just before they slept, Mr Knightley murmured a few words which showed that the sad event was not forgotten - in one part of his mind, at least."
Je trouve que c'est là une description qui ne serait pas désavouée par Austen, on peut spéculer sur ce qui passe entre le baiser et le moment où ils s'endorment, mais on n'a jamais plus de détails, ni de descriptions détaillées, Billington ne cherche pas à faire du Austen, c'est-à-dire qu'elle ne cherche pas désespéremment à nous faire oublier qu'il s'agit d'une continuation, on est loin de la maladresse de Stephanie Barron qui cherche tellement à nous persuader que ses histoires sont du Austen que du coup la magie est brisée, parce qu'elle nous donne trop de détails comme si elle voulait nous montrer qu'elle a bien fait ses devoirs, si ça avait été du Stephanie Barron nous aurions eu le droit à la description des vêtements des deux personnages et à une note explicative au moment où l'on s'aperçoit que Mr Knightley ne dort plus avec Emma, détail qu'Austen n'aurait pas jugé utile de donner, parce qu'ils sont connus de ses contemporains. On a un style qui ne fait pas dans le superflu et qui finalement est assez proche d'Austen parce qu'on ne sent pas les efforts fait pour ressembler à Austen.
Les éléments de l'histoire et les péripéties sont également dans la tonalité d'Austen, on ne fait pas dans le spectaculaire, il y a très peu de nouveaux personnages qui sont introduits et sinon certains personnages apparaissent un peu plus comme la famille de John et Isabelle Knightley, ou la famille Martin. Un autre aspect aussi est que comme dans Austen, on suit l'héroïne, ses pensées et sa vision des autres personnages, avec seulement de rares passages où l'on voit les choses du côté de Mr Knightley. L'homme de l'histoire est toujours un peu inaccessible car on ne connait sa vision des choses que lorsqu'il finit par ouvrir son coeur à l'héroïne, la fin, d'ailleurs est réellement digne d'un Austen et ne dépareillerait pas par exemple à côté de celle de Pride & Prejudice, donc j'ai même eu ma dose de happy end.
J'ai d'ailleurs adoré la dernière phrase du livre ainsi que la fin du chapitre 38 et ce que fait Mr Knightley a la fin du chapitre 37(les habitués de mes articles remarqueront à quel point j'ai fait des efforts pour ne pas faire de spoiler pour une fois^^). Un dernier point sur le respect des traits austéniens est le fait qu'Emma va une fois de plus progresser dans l'histoire et vaincre certains de ses défaults, aspect iniatique que l'on trouve dans les romans d'Austen.
J'ai adoré le développement accordé à Miss Bates, car c'est un point qui à mon avis faisait défaut dans le livre d'Austen(oui, je sais c'est sacrilège de considérer qu'il y a eu un imperfection dans le happy ending d'Emma).. L'auteur ne prend pas de libérté avec les personnages, il n'y a pas de grand revirement, on découvre seulement un autre aspect de John Knightley et de Frank Churchill mais leur évolution n'est pas en contradiction avec ce qu'on connait d'eux.
Le personnage d'Emma est très attachant, elle est aussi attachante que lorsqu'elle découvre qu'elle est amoureuse de Knightley et croit qu'il aime Harriet dans Emma. On est pris par la situation et on ne peut que sympatisé avec sa douleur quand elle s'aperçoit que l'homme qu'elle aime désespéremment est en train de s'éloigner d'elle et qu'elle ne peut rien faire mais qu'en plus de cela elle est obligée de constamment faire comme si tout allait bien entre eux pour ne pas perturber son père ou déplaire à son époux. Elle est terriblement attachante dans son désir que Knightley cesse de la traiter comme une enfant et dans son malheur parce qu'elle se rend compte qu'elle n'a pas réussi à éveiller de passion chez Knightley et tous ces sujets qu'elle n'ose aborder avec Knightley et qu'elle suspecte de créer ce détachement comme le fait de ne pas vivre à Donwell Abbey ou qu'elle n'a pas d'enfant et n'a pas envie d'être mère mais que Knightley désire peut-être des enfants vu son âge. Le problème de communication qui règne entre eux est vraiment attendrissant.
On ne peut que dévorer ce livre en ce demandant à chaque instant s'ils vont réussir à se rapprocher et en étant ému par Emma, qui est si seule et si prisonnière des convenances et de son quotidien.
P.S. J'ai fini par m'habiller... à 8h du soir et maintenant je descends à mon relais colis chercher les deux premiers Mr & Mrs Darcy's mystery qui m'y attendent depuis ce matin.
P.P.S L'édition d'Emma & Knightley est très jolie avec des chapitres brefs, par contre le texte contient pas mal de coquille, particulièrement au niveau des guillemets.