
En tous cas il m'est difficile de séparer le film du livre, puisque je me suis plongée dès le lendemain dans l'ouvrage afin de pouvoir voir par moi-même quelle était réellement l'histoire et si l'on voyait davantage le colonel Brandon, du coup j'ai lu le livre dans une perspective comparative mais qui ne m'a en rien ôté mon plaisir. Je vais donc vous faire à présent un petit récit comparatif de cette expérience.

Le petit Harry Dashwood est splendide dans l'adaptation, il est rondouillet, rien de vraiment mignon et sa présence lorsque John et Fanny discutent au début de la somme à donner pour remplir la promesse faite par John donne du piquant à la scène. J'aime beaucoup la lâcheté de John Dashwood, son côté mouton.
Dans les différences on a aussi le fait que Marianne annonce son attachement pour le colonel Brandon avant la demande en mariage d'Edward(j'aime d'ailleurs beaucoup les moments où on voit Brandon s'adonner à la fauconnerie où on voit l'attachement de Marianne se former) et le personnage de Margaret est plus présent, avec une personnalité propre qu'elle n'a pas vraiment dans le livre.

La première scène, par contre, restera mon moment préféré du film : dans l'adaptation, comme il est difficile de rendre à l'écran le fait que Marianne tombe malade pour être sortie plusieurs soirs dans l'herbe humide et ne pas s'être souciée de sa santé, la chose est condensée en une soirée, où Marianne sort et erre à travers l'orage, ce qui la rend encore plus excessive que dans le livre mais en plus, quand j'ai vu l'adaptation, je n'ai pas compris pourquoi elle errait dans l'herbe, vu que je n'avais pas retenu le fait que Cleveland était à côté de Comde Magna, mais ce détail n'enlève rien à la scène, car ce n'est pas du côté de Marianne que c'est intéressant mais du côté du colonel Brandon. En effet, Marianne ne rentre pas et ne tombe pas malade ensuite comme dans le livre, ce qui se passe c'est que soudain le colonel Brandon demande à Elinor où se trouve Marianne et c'est le moment où la maisonnée se rend compte qu'elle n'est pas rentrée, alors aussitôt le colonel Brandon saute sur un cheval et part à sa recherche en dépit des éléments déchaînés et la découvre évanouie. C'est magnifique comme scène, de quoi ravir une romantique dans l'âme et ensuite, il la porte faisant écho à la scène où apparaît Willoughby, préparant ainsi le changement de sentiment de Marianne, qui découvre ainsi que Brandon est en fait le vrai romantique. Il la porte ensuite jusque dans la chambre, et il y a ce moment maladroit où emporté par son inquiétude et l'urgence de l'état de Marianne il commence à délacer son corsage en prodiguant les consignes à suivre issue de son expérience à l'armée et s'arrête et sort confus se rendant compte de l'impropriété de sa conduite. Je trouve ça si mignon. J'aime ce sauvetage.
Quant à la scène de la première rencontre, j'ai aussi un peu regretté son absence dans le livre, car c'est une scène amusante, où après que Fanny ait essayé de faire passer son frère pour une sorte de Mr Darcy du point du point de vue du caractère exigeant, Edward arrive par surprise, décontracté, proposant à Elinor de l'aider à battre un tapis et sympathisant aussitôt avec elle.

Ce que j'ai aimé dans le livre, c'est le style de Jane Austen, j'aime beaucoup la manière dont est présenté Edward, peut-être simplement parce que le film a fait que son arrivée dans l'histoire était un moment attendu pour mon désir de comparaison. Le personnage de Marianne n'est pas un personnage avec lequel j'ai des affinités, vu qu'elle est terrible égoïste avec son refus de dissimuler ce qu'elle ressent et son besoin d'en faire étalage, j'avais l'impression que le pauvre colonel ne méritait pas cela mais la fin rachète tout car elle mûrit et devient un personnage intéressant. Et dans le live, ce rapprochement qui est plutôt une forme assagie d'amour, avec cette union d'avoir tout deux souffert d'une première passion malheureuse est très appréciable et marque cette évolution en remettant en question l'amour romantique pour une forme finalement plus forte car plus constante d'amour, le film, lui, par contre donne plutôt l'impression que Marianne projette son idéal romantique sur le colonel Brandon après la maière dont il l'a sauvée.
Du point de vue des structures narratives, j'ai repéré quelques éléments communs entre Sense & Sensibility et Pride & Prejudice, déjà le colonel Brandon et Mr Darcy sont tous deux des personnages renfermés, ayant chacun une personne plus jeune sous leur garde, personne victime(ou sur le point de l'être) du libertin de l'histoire, qui est aussi présent dans les deux histoires. Dans les deux cas, l'intervention du héros va résoudre les problèmes de la famille, Darcy sauve les Bennet de la ruine sociale et Brandon donne une cure à Edward bien que ce parallèle ne puisse être réellement tiré que du film vu que le film ne rend pas le côté non-souhaité de l'offre de Brandon qui finalement devrait facilité le mariage entre Edward et Lucy. Mrs Ferrars ressemble beaucoup à la tante de Darcy dont j'ai oublié le nom et qui cherche désespéremment à lui faire épouser sa fille. Mais tous ces éléments sont arrangés de telles façon qu'on a pas l'impression d'avoir affaire à deux histoires similaires ou en manque d'inspiration, Sense & Sensibility a un caractère propre, qui est très agréable et qui donne envie de le relire inlassablement.