L'histoire, la voici : Admète est destiné à mourir prématurément mais Apollon est parvenu à obtenir pour lui d'échapper à ce destin s'il trouve quelqu'un qui accepterait de mourir à sa place. Admète essaye donc de trouver quelqu'un pour se sacrifier à sa place, tout le monde refuse, y compris ses parents fort âgés, la seule exception est sa femme Alceste qui accepte de se sacrifier pour lui, par amour et pour ses enfants car Admète sera plus à même de veiller sur eux et d'assurer leur avenir qu'elle.
La pièce se déroule le jour où Alceste doit mourir.
La première partie de la pièce montre l'attente de l'événement fatal, avec le choeur à l'extérieur du Palais qui se demande si elle a déjà rendu ou non son dernier soupir.
Dans la deuxième partie, Alceste vient de mourir, Admète est accablé par le deuil et c'est à ce moment que survient Héraclès, qui est en train d'accomplir ses douze travaux et vient demander l'hospitalité d'Admète. Admète lui fait croire que la maison est en train de porter le deuil d'une étrangère pour qu'Héraclès n'aille pas chercher l'hospitalité ailleurs, car en dépit de son malheur, Admète tient à respecter les règles de l'hospitalité. Du coup, Héraclès festoie joyeusement dans l'aile des domestiques pendant que le reste de la maison est accablé par le deuil de sa maîtresse. A la fin de son festin, Héraclès se rend compte que quelque chose cloche et la servante finit par lui expliquer la situation. Héraclès décide alors de ramener Alceste du royaume d'Hadès afin de remercier son hôte de son respect pour les lois de l'hospitalité et c'est ainsi qu'Alceste et Admète furent à nouveau réuni.

J'aime beaucoup toute l'attente qui empreigne le début, ça me rappelle un peu l'ambiance des pièces d'Eschyle, mais on sent énormément l'influence de la formation oratoire qu'a reçu Euripide, parce qu'il y a des passages qui sont nettement marqués par des échanges d'argument, celui qui m'a marqué étant l'échange entre Admète et son père, qu'il renie parce que celui-ci a refusé de se sacrifier pour lui, alors que du point de vue d'Admète, son père aurait dû le faire, parce qu'il est déjà au terme de la vie, mais son père lui, essaie de lui démontrer qu'il n'a aucun droit de lui demander de sacrifier sa vie pour lui, car sa vie n'a pas moins de valeur que la sienne et il a tout autant le droit que lui, de vivre. J'aime beaucoup cette question : est-ce le père ou le fils qui a raison ? Je suspecte Admète d'avoir espéré jusqu'au bout que ses parents changeraient d'avis et prendraient la place d'Alceste.
Phérès : "En quoi donc t'ai-je fait tord ? De quoi te dépouillé-je ? Ne meurs pas plus pour ma personne que je ne fais pour la tienne. Tu as plaisir à voir le jour : et ton père, crois-tu qu'il en ait de la peine ? Ma foi, oui, je me dis qu'il est long, le temps à passer sous la terre, et que si la vie est courte, elle a pourtant sa douceur."
Cet échange introduit aussi la question de la lâcheté d'Admète, car sont-ce réellement ses parents qui sont lâches parce qu'ils n'ont pas offert de mourir pour lui permettre de vieillir aux côtés de sa femme ou Admète qui a accepté que quelqu'un meurt à sa place ? C'est une question que je me suis d'ailleurs posée en lisant la pièce : pourquoi la vie d'Admète mérite plus d'être prolongée ? Il n'y a aucun motif politique à cela, Alceste se sacrifie de façon désintéressée et c'est ce qui fait d'elle un modèle de la vertu féminine puisque c'est l'épouse dévouée au point de mourir pour préserver la vie de son époux et qui meurt très dignement, elle prend d'ailleurs la chose beaucoup mieux qu'Admète. Cette mort exemplaire fait qu'Alceste est mentionnée dans le Banquet de Platon, à l'occasion du discours de Phèdre, face à Orphée, comme l'exemple du noble sacrifice tandis qu'Orphée échoue parce que c'est un lâche qui n'a pas le courage de se tuer pour rejoindre la femme qu'il aime.
Un autre passage que j'ai trouvé intéressant c'est la discussion entre Apollon et la Mort(traduit Trépas dans mon texte mais je préfère la mort, certaines d'entre vous doivent se douter du pourquoi) au début de la pièce, qui s'inscrit dans les querelles entre dieux quant à leur prérogatives avec les Anciens dieux qui cherchent à maintenir les leurs face aux nouveaux. J'aime le côté juste de la Mort, parce que dans cette affaire, c'est Apollon qui a brisé les règles en essayant à empêcher la mort d'Admète :
Apollon. - Ne se peut-il qu'Alceste arrive à la vieillesse ?
Le Trépas. - Non. J'aime les honneurs, moi aussi, crois-le bien.
Apollon. - Tu ne prendras pourtant rien de plus qu'une vie.
Le Trépas. - La mort des jeunes me vaut une part plus belle.
Apollon. - Mourant vieille, elle aura de riches funérailles.
Le Trépas. - Ce sont les possédants que ta loi favorise.
Apollon. - Qu'est-ce à dire ? Aurais-tu de l'esprit, sans qu'on sache ?
Le Trépas. - Ceux qui peuvent achèteraient de mourir vieux.
Apollon. - Ainsi, tu ne veux pas m'accorder cette grâce ?
Le Trépas. - Non certes ; tu connais d'ailleurs mon caractère.
Apollon. - Oui : haï des mortels et en horreur aux dieux !
Le Trépas. - Tu ne saurais avoir toujours plus que ton dû.
C'est une pièce que j'aime beaucoup pour la manière dont elle dépeint le chagrin des personnges et pour les réflexions qu'elle suscite.
Il s'agit là de ma lecture pour la lettre E du challenge ABC.
