
Ruy Blas est un jeune homme éduqué mais qui n'appartient pas à la noblesse, ce qui crée un déchirement ses aspirations et sa situation sociale car il n'a d'autre choix que de se faire valet, et pour son grand malheur, il est amoureux de la reine. Son amour va le rendre prêt à tout pour s'élever, ce qui fait qu'il tombe dans les filets de Don Salluste, un noble qui vient d'être disgracié pour avoir refusé d'épouser la suivante de la reine avec qui il a couché(et qu'à mon avis il a mis enceinte, parce que sinon on voit mal pourquoi il devrait l'épouser) et qui est bien décidé à se venger. Don Salluste décide de faire de Ruy Blas un noble, en le faisant passer pour son frère Don César, homme insouciant, qui a dilapidé sa fortune en fêtes et débauches et qui a mystérieusement disparu lorsque sa fortune fut consommée et qu'il ne lui restait plus que des créanciers. Ruy Blas connaît ainsi une ascension fulgurante, obtenant les faveurs de la reine et dans son bonheur, il ne pense nullement au pacte qu'il a passé.
Victor parle de Ruy Blas en ces termes dans la préface :
"Les trois formes souveraines de l'art pourraient y être personnifiées et résumées. Don Salluste serait le Drame, don César, la Comédie, Ruy Blas, la Tragédie. Le drame noue l'action, la comédie l'embrouille, la tragédie la tranche.
Tous ces aspects sont justes et vrais, mais aucun d'eux n'est complet. La vérité absolue n'est que dans l'ensemble de l'oeuvre. Que chacun y trouve ce qu'il y cherche, et le poète, qui ne s'en flatte pas du reste, aura atteint son but. Le sujet philosophique de Ruy Blas, c'est le peuple aspirant aux régions élevées ; le sujet humain, c'est un homme qui aime une femme ; le sujet dramatique, c'est un laquais qui aime une reine."
Dans cette pièce, Victor Hugo cherche à réunir la peinture des passions et la peinture des caractères. C'est une pièce qui permet une pluralité de lectures. La structure de la pièce est assez claire, les deux premiers actes posent l'intrigue, avec dans le premier, la transformation de Ruy Blas en Don César et dans le second la solitude de la reine et le fait que la reine découvre que Don César est son admirateur secret. Le troisième acte est le moment du basculement, le héros étant arrivé à l'apogée de son ascension pour aussitôt découvrir à quel point sa situation est chimérique. Le Quatrième acte est une sorte de pause dans la chute du héros, avec le retour du vrai Don César porteur d'un espoir de salut pour le spectateur, mais qui finalement s'avèrera précipiter la chute du héros. Le dernier acte nous montre l'accomplissement du plan de don Salluste et amène le héros à atteindre sa pleine dimension tragique, car tel un héros racinien, le héros va choisir la mort plutôt que la fuite.
J'ai préféré cette pièce à Hernani, car l'ascension et la chute du héros est bien orchestrée, et j'aime beaucoup le fait que le tiraillement du héros réside dans le fait que c'est un laquais avec des ambitions de nobles ou "sous les habits d'un valet les passions d'un roi". Mon personnage préféré a été le vrai Don César, qui a un côté baroque, car c'est celui qui vit dans l'instant, il ne vit que pour son plaisir et refuse de s'assujettir aux contraintes que la société lui impose, préférant être un bandit plutôt qu'un noble.
C'est une pièce intéressante, qui permet d'approfondir la question du drame romantique.
Demain, pour changer un peu, nous parlerons de Jingo de Terry Pratchett.