
"Dans l'S, à une heure d'affluence. Un type dans les vingt-six ans, chapeau mou avec cordon remplaçant le ruban, ou trop long comme si on lui avait tiré dessus. Les gens descendent. Le type en question s'irrite contre un voisin. Il lui reproche de le bousculer chaque fois qu'il passe quelqu'un. Ton pleurnichard qui se veut méchant. Comme il voit une place libre, se précipite dessus.
Deux heures plus tard, je le rencontre Cour de Rome, devant la gare Saint-Lazare. Il est avec un camarade qui lui dit : "Tu devrais faire mettre un bouton supplémentaire à ton pardessus." Il lui montre où (à l'échancrure) et pourquoi."
Certaines des contraintes portent sur le temps des verbes, d'autres sur l'ajout ou le retrait de lettres, certaines sont stylistiques, d'autres formelles. Queneau invente des mots au besoin et souvent ne se soucie pas de la lisibilité du résultat, ce qui fait que certains textes ne veulent rien dire comme par exemple Syncopes :
"Je mtai ds aubus plein dvyageurs. Je rarquai un jhomme au coublebleluirafe et au chapaltrés. Il se mit en colcautre vyageur car il lui rechait de lui marpier. Puis il ocpa une pce denue lbre.
En fant le mêmin en sinverse, je l'açus à Courome qui prait un lon d'égance àjet d'un bton."
Dans d'autres cas, ce sont les contorsions imposées à la phrase qui la rende illisible comme la version par Synchyses, aussi connue sous le nom de Marquise par un petit nombre d'initié :
"Ridicule jeune homme, que je me trouvai un jour sur un autobus de la ligne S bondé par traction peut-être cou allongé, au chapeau la cordelière, je remarquai un. Arrogant et larmoyant d'un ton, qui se trouve à côté de lui, contre ce monsieur, proteste-t-il. Car il le pousserait, fois chaque que des gens il descend. Libre il assoit et se précipite vers une place, cela dit. Rome (Cour de) je le rencontre plus tard deux heures à son pardessus un bouton d'ajouter un ami lui conseille."
Dans les plus ou moins lisibles, on a aussi la réécriture en langue étrangère plus ou moins mêlée de français et/ou orthographié comme un français qui ne parle pas cette langue chercherait à l'écrire, ainsi que la réécriture en argot. Celui que j'ai particulièrement aimé dans ce genre-là, c'est celui en Macaonique, c'est-à-dire en latin de cuisine :
"Sol erat in regionem zenithi et calor atmospheri magnissima. Senatus populusque parisiensis sudebant. Autobi passebant completi. In uno ex supradictis autobibus qui S denominationem portebat, hominem quasi junum, cum collo multi elongato et cum chapito a galono tressato cerclato vidi. Iste junior insultavit alterum hominem qui proximus erat pietinat, inquit, pedes meos post deliberationem animae tux. Tunc sedem libram. vidente, cucurrit là.
Sol duas horas in oelo habebat descendues. Sancti Lazari stationem rerrocaminorum passente devant, junum supradictum cum altero ejusdem farinae qui arbiter elegantiarum erat et qui apropo uno ex boutonis capae junioris consilium donebat vidi."
Cependant tous les textes ne sont pas illisibles, on a par exemple, la version du point de vue du jeune homme au long coup, celle de l'homme qui pousse, une version exclamative du récit, ou encore une version en sonnet. C'est intéressant de voir comment le texte peut varier ainsi que le choix des expressions ou des éléments conservés selon la contrainte du texte.
Parmi mes préférés, il y a la variante métaphorique :
"Au centre du jour, jeté dans le tas des sardines voyageuses d'un coléoptère à l'abdomen blanchâtre, un poulet au grand cou déplumé harangua soudain l'une, paisible, d'entre elles et son langage se déploya dans les airs, humide d'une protestation. Puis attiré par un vide, l'oisillon s'y précipita.
Dans un morne désert urbain, je le revis le jour même se faisant moucher l'arrogance pour un quelconque bouton."
Ce livre est intéressant mais on se lasse un peu au bout d'un moment si on essaie de tout lire à la suite.
Il s'agit de la lettre Q, de ma liste pour le challenge Abc 2010.
