
Pour une fois la présentation sera celle donnée par l'éditeur :
« Je mets ma fortune et mon amour â vos pieds. Si je vous tenais dans mon lit vingt fois de suite je vous prouverais ma passion. Que les onze mille vierges ou même onze mille verges me châtient si je mens!»
Le prince Vibescu de Bucarest a grand appétit et il paraît qu'à Paris, les femmes ont cuisse légère. Alors sus, à l'abordage ! Juste là de quoi éveiller notre prince qui entend s'ouvrir à de multiples horizons charnels et entreprend un voyage frénétique où toutes les combinaisons sont possibles. Mais attention : qui aime bien châtie bien.
Ce livre circulait sous le manteau au début du siècle et il fut même chuchoté que l'on y trouvait du « Sade accommodé à la sauce rabelaisienne ».
J'ajouterai que les tribulations de Mony, notre prince Vibescu, mêlent orgie, à des scènes scatologiques qui par moment dépassent ce que l'on peut trouver dans Sade, on a des crimes et un bonne dose de nécrophilie. J'ai trouvé cette histoire moins écoeurante que les cent vingt journées de Sodome de Sade ou Un roman sentimental de Robbe-Grillet, parce que la plupart des sévices vraiment écoeurantes sont infligées à des cadavres, à l'exception de l'épisode du bébé.
Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant dans le livre, c'est l'humour que l'on y trouve, mêlé de références littéraires, on a ainsi un sonnet intitulé épithalame, qui se termine par ce vers de Corneille "Cette obscure clarté qui tombe des étoiles" et qui pendant les treize vers précédant parle de l'acte charnel en un langage qui fait que je ne puis le mettre ici, ce qui est dommage car j'aurais adoré commenter le détournement du sonnet et de fait, la parodie du poème amoureux.
J'ai aussi relevé cette référence à Ovide :
"-Ce sacré général Kokodryoff, dit-il en chemin, était un stratège remarquable sans doute, il avait deviné le siège de Port-Arthur et vraisemblablement m'y a fait envoyé pour se venger de ce que j'avais surpris ses relations incestueuses avec son fils. De même qu'Ovide j'expie le crime de mes yeux, mais je n'écrirai ni les Tristes ni les Pontiques. Je préfère jouir du temps qui me reste à vivre."
Mais une remarque qui m'a particulièrement amusée est celle-ci :
"Le double assassinat dans l'Orient-Express alimenta les journées pendant six-mois. On e trouva pas les assassins et le crime fut mis au compte de Jack l'Eventreur, qui a bon dos."
L'écriture d'Apollinaire est très agréable à lire, l'humour et l'excès des situations rendent les aventures de Mony plaisantes, c'est un livre que je pourrais relire contrairement aux cent vingt journées ou à Robbe-Grillet, car la manière dont Apollinaire décrit ce qui se passe rend les choses un peu moins horribles, mais âmes sensibles s'abstenir, parce qu'il y a des scènes assez gores et des sévices infligées à un bébé, donc ce n'est pas un livre à mettre entre toutes les mains.