Aujourd'hui je vais vous parler de l'Agamemnon d'Eschyle, première partie de l'Orestie, tétralogie représentée en 458, dont il ne nous reste plus que les trois tragédies, puisque le drame satyrique Protée a disparu comme une bonne partie des pièces d'Eschyle.
Depuis dix ans, les habitants d'Argos attendent le retour de leur roi et de l'armée qu'il a mené à Troie pour récupérer Hélène. La crainte règne dans les coeurs : si Troie tombe, leurs guerriers réussiront-ils à jouir de leur victoire ou dépasseront-ils la mesure, provoquant ainsi la colère des dieux ? Ou bien, la justice pour des crimes passés finira-t-elle par les rattraper ?
A l'annonce de la victoire sur Troie, l'inquiétude est plus présente que l'espoir, d'autant qu'au coeur du palais, quelqu'un n'a pas oublié le crime d'Agamemnon : le sacrifice de la pure Iphigénie pour apaiser les vents et permettre d'aller récupérer la femme de plus d'un homme.
A l'occasion de la préparation de mes cours d'histoire de l'art, j'ai décidé de me replonger dans le théâtre grec et quoi de mieux que l'Orestie pour aborder le thème d'Art, État et pouvoir ?
Je me suis très vite rappelée pourquoi je ne lisais plus d'auteurs grecs : j'ai tenu treize pages avant de craquer et de sortir le Bailly, un carnet et de me mettre à faire le commentaire du texte... J'ai désormais de très intéressantes notes sur la χάρις chez Eschyle et le rapport qu'il existe entre elle et l'idée de "souffrir pour comprendre", j'ai aussi quelques détails sur le vocabulaire du désir et les épithètes utilisés pour qualifier Clytemnestre et Hélène...
et c'est comme ça qu'on met 5 heures pour lire une pièce de 60 pages...
Le bilan de tout cela est que le style d'Eschyle est toujours aussi fascinant que ce soit par son usage des métaphores maritimes, sa capacité à exprimer l'angoisse de l'attente ou sa description de l'horreur de la guerre. La quête de la gloire fait pâle figure face à ces soldats qui regagnent leur patrie dans des urnes, au sang innocent versé pour récupérer la femme d'un autre, et pire, pour récupérer une adultère partie de son plein gré.
Eschyle montre toute l'absurdité de la guerre de Troie d'une façon terriblement émouvante, puis petit à petit on glisse vers l'inévitable châtiment d'Agamemnon, car l'hybris des vainqueurs, crainte au début de la pièce, se concrétise avec l'apparition du héraut, puis d'Agamemnon : l'armée n'a su profiter de la χάρις offerte par les dieux et a châtié Troie au-delà de ce que le crime de Pâris exigeait, le châtiment divin se fait alors inévitable.
La fin de la pièce nous montr l'apogée de la catastrophe avec la chute du pouvoir légitime et son remplacement par un nouveau pouvoir fondé uniquement sur la force, mais qui se sert d'une prétendue vengeance pour légitimer son acte. Pour assouvir sa vengeance Clytemnestre a été prête à tout, y compris à sacrifier sa cité.
C'est une pièce sombre et magnifique, où le lecteur assiste à l'accomplissement d'un destin que rien ne peut empêcher malgré les avertissements de Cassandre.
PS : je ne faisais que passer, cet article ne veut pas dire que je vais avoir le temps de répondre à mes commentaires et de publier à nouveau.