L'histoire la voilà, Sophie Hatter est l'aîné de trois filles et selon le concept énoncé au début de cet article et qui ouvre le livre, elle est destinée à vie ennuyeuse et à être un échec ambulant. Sophie a tout à fait accepté cet état de chose et s'est fait à l'idée que sa vie serait ainsi, ce qui fait qu'elle est très gentille et a une tendance à se laissé exploiter, puisqu'elle ne voit pas comment elle pourrait lutter contre la fatalité de sa naissance, elle prend donc la vie comme elle vient. A la mort du père, Fanny, la belle-mère, est obligée de mettre les trois filles en apprentissage, la dernière chez une sorcière, la seconde dans une hôtellerie et Sophie reste comme son apprenti parce que c'est elle qui héritera un jour du magasin de chapeau. Sophie au fil des mois prend de plus en plus des habitudes de petite vieille à force de rester en recluse et de parler aux chapeau qu'elle fabrique, et un jour, la sorcière du Désert(the Witch of the Waste) débarque dans le magasin et la transforme véritablement en petite vieille et c'est le début de l'aventure pour Sophie, qui, se rendant compte qu'il vaut mieux qu'elle parte car son apparence ne pourrait qu'effrayer ses proches, fait son baluchon et se met en route et sa route va croiser celle du très vain mage Hurle et de son jeune apprenti Michael qui vivent dans un chateau ambulant où Sophie trouve refuge et passe un pacte avec le démon du feu qui fait fonctionner le chateau, Calcifer, dans l'espoir qu'il lève un jour le sort qui l'accable. Elle va donc s'incruster dans le château comme femme de ménage dans l'espoir de découvrir et de briser le pacte entre Calcifer et Hurle, afin de remplir sa part du marché.
J'ai vraiment adoré ce livre, chaque chapitre a un titre commençant par In which... tel que "In which Sophie talks to hats" ou "Which is far too full of washing". J'aime ce côté un peu compte que l'on trouve dans Bilbo le hobbit, et que l'on retrouve ici avec cette idée que si l'on suit la logique narrative, l'aîné ne peut être que destinée à une vie ratée(postulat de départ qui n'est pas sans rappeler Terry Pratchett et son jeu sur les règles narratives ou la chance sur un million). L'héroïne me plaît particulièrement par son obstination et son pragmatisme, j'aime beaucoup la manière dont elle accepte ce qui lui arrive et jamais son complexe d'infériorité du au faut qu'elle est l'aîné et donc destinée à l'échec ne m'a agacé, c'est présent mais sans jamais être excessif et donner envie de secouer l'héroïne(comme c'est par moment le cas avec Fanny Price dans Mansfield Park), au contraire je trouve son enfermement dans cette croyance très touchante.
Un autre élément assez drôle est que le fait d'être une très vieille dame change sa perspective sur le monde(aussi très Pratchéien sur l'idée que le receptacle façonne la pensée)et qu'elle se met à regarder le monde par les yeux d'une petite vieille très énergique. Par contre ce n'est pas Blanche-neige, elle propose d'abord ses services de femme de ménage puis fait le ménage, et non l'inverse.
Par rapport au film, ça apporte une autre perspective, déjà parce qu'il y a pas mal de différence, le film étant destiné à un public plus jeune, donc les intentions de la sorcières sont différentes et on n'a pas le droit au côté don juan de Howl qui passe son temps à être amoureux mais sans jamais réussir à se fixer, car une fois que la belle tombe sous son charme, elle cesse de l'intéresser. Dans les autres différences, on a le coup des trois soeurs, qui explique aussi la résignation de Sophie face au sortilège, Calcifer est différent, il est plutôt bleu comme il apparaît sur la couverture et non jaune comme dans le film, car c'est tout de même un démon et la gentille créature du film(mais c'est pour les enfants donc on peut pas avoir un Calcifer tout droit sorti de chez Tim Burton). Le livre nous permet de comprendre davantage l'intrigue. J'ai en général quelques réserves sur le mélange entre notre monde et un monde imaginaire(sauf chez Pratchett, bien-sûr) mais là finalement ça passait bien et c'était drôle de voir celui-ci par le regard de Sophie, même si je n'ai sais pas la logique qui impliquait qu'il y ait notre monde, mais l'effet comique en valait la peine.
C'est donc un livre que je relirai avec plaisir, rien que parce que connaître la fin chance en partie la manière de lire l'histoire et je compte lire la suite, the house of many ways.