
Argan est persuadé d'être en mauvaise santé et est la proie des médecins qui dirigent sa vie avec leurs ordonnances, mais aussi de sa seconde femme qu'il croit lui être complètement dévouée alors qu'elle n'attend qu'une seule chose c'est de s'emparer de sa fortune. Argan vit dans son monde fait de lavement et de clysthère, uniquement préoccupé par sa santé et se met en tête de marier sa fille à un médecin, or sa fille est amoureuse de Cléante qui s'apprêtait à la demander en mariage, mais Argan ne veut rien entendre, bien décidé qu'il est à donner à son fils un mari qui satisfasse ses besoins à lui tandis que son épouse cherche à le convaincre d'envoyer plutôt ses filles au couvent.
Je n'ai pas énormément aimé cette pièce, car certains des personnages, comme la servante, m'irritent particulièrement, mais Argan est un personnage qui m'a plût, parce que je le trouve à plaindre avec sa servante qui se joue de lui, sa femme qui le manipule et le fait qu'il n'est pas maître dans sa propre demeure, car son état de malade fait qu'il dépend d'autrui, mon attachement à ce personnage est aussi dû à une remarque de la notice de l'édition pléiades, par Georges Couton :
"Le Malade imaginaire, comme Monsieur de Pourceaugnac, ou L'Amour médecin comme aussi bien le cruel Elomire Hypocondre de son ennemi Le Boulanger de Chalussay, témoigne de la misère physiologique d'un homme cruellement surmené et qui se refusait tout repos. (...)Cruellement malade, il s'est senti abandonné ; Le Malade imaginaire est ainsi la protestation de l'intelligence et du corps contre la destruction implacable par la maladie, contre l'impuissance des hommes contre l'exploitation que font certains de la misérable condition humaine."

J'ai énormément aimé le passage où Argan et son frère parlent de...Molière :
BERALDE : Moi, mon frère, je ne prends point à tâche de combattre la médecine ; et chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu'il lui plaît. Ce que j'en dis n'est qu'entre nous, et j'aurais souhaité de pouvoir un peu vous tirer de l'erreur où vous êtes, et, pour vous divertir, vous mener voir sur ce chapitre quelqu'une des comédies de Molière.
ARGAN : C'est un bon impertinent que votre Molière avec ses comédies, et je le trouve bien plaisant d'aller jouer d'honnêtes gens comme lles médecins.
BERALDE : Ce ne sont point les médecins qu'il joue, mais le ridicule de la médecine.
ARGAN : C'est bien à lui à faire de se mêler de contrôler la médecine ; voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s'attaquer au corps des médecins, et d'aller mettre dans son théâtre des personnes vénérables comme ces messieurs-là.
BERALDE : Que voulez-vous qu'il y mette que les diverses professions des hommes ? On y met bien tous les jours les princes et les rois, qui sont d'aussi bonne maison que les médecins.
ARGAN : Par la mort non de diable ! si j'étais que des médecins, je me vengerais de son impertinence ; et quand il sera malade, je le laisserais mourir sans secours. Il aurait beau faire et beau dire, je ne lui ordonnerais pas la moindre petite saignée, le moindre petit lavement, et je lui dirais : "Crève, crève ! cela t'apprendra une autre fois à te jouer de la Faculté."
BERALDE : Vous voilà bien en colère contre lui.
ARGAN : Oui, c'est un malavisé, et si les médecins sont sages, ils feront ce que je dis.
BERALDE : Il sera encore plus sage que vos médecins, car il ne leur demandera point de secours.
ARGAN : Tant pis pour lui s'il n'a point recours aux remèdes.
BERALDE : Il a ses raisons pour n'en point vouloir, et il soutient que cela n'est permis qu'aux gens vigoureux et robustes, et qui ont des forces de reste pour porter les remèdes avec la maladie ; mais que, pour lui, il n'a justement de la force que pour porter son mal.

Sinon, je suis allée voir la pièce telle qu'elle est jouée par la Compagnie Colette Roumanoff au théâtre Fontaine, mardi dernier. L'acteur qui jouait Argan était très bien, se déplaçant à tout petit pas à travers la scène et alternant les moments normaux avec les moments où il se rappelait qu'il est malade.
Par contre, des libertés ont été prises sur les intermèdes et le prologue, le prologue n'étant aucun des deux prologues que la pièce possède, mais cependant très sympa, faisant défiler les personnages sous les yeux du Malade, tandis que le premier intermède est modifié : il n'y a plus la partie où Polichinelle chante en italien et se retrouve confronté à une vieille qui lui répond, puis à une interruption de la part de violons. Là Polichinelle chante une chanson en français puis on passe directement à l'arrivée des gardes ; et le dernier intermède est écourté parce qu'il était en latin macaronique. On sent bien que la pièce a été adapté pour pouvoir satisfaire un jeune public, donc les modifications étaient sympas mais j'aurais préféré que ce soit plus fidèle vu que je n'avais jamais encore vu le malade imaginaire et en plus j'aimais énormément l'intermède en latin macaronique.
PRAESES
De non jamais te servire
De remediis aucunis
Quam de ceux seulement doctae Facultatis,
Maladus dust-il crevare,
Et mori de suo Malo ?
BACHELIERUS
Juro.
PRAESES
Ego, cum isto boneto
Venerabili et docto, Dono tibi et concedo
Virtutem et puissanciam
Medicandi,
Purgandi,
Seignandi
Perçandi
Taillandi,
Coupandi,
Et occidendi
Impune per totam terram.