
Harpagon est un homme riche mais qui n'en a pas les apparences car c'est un avare, il a donc recourt à toutes sortes d'expédient pour protéger sa fortune, comme l'usure, et ses enfants souffrent fortement de son avarice, car la seule chose qu'il aime vraiment c'est sa cassette qui est enterrée dans le jardin. Sa fille, Elise, est amoureuse de Valère, qui s'est déguisé en domestique pour pouvoir l'approcher tandis que son frère Cléante est amoureux de Mariane, une jeune femme pauvre, mais tous deux voient leurs espoirs de bonheur conjugal réduit à néant quand leur père leur annonce ses propres de mariage : il veut marier Elise au riche seigneur Anselme, son fils à une veuve ayant du bien tandis que lui-même épousera Mariane.
Comme pour l'école des femmes, on a un homme âgé qui jette son dévolu sur une jeune femme qui n'a pas envie de l'épouser mais qui n'est pas libre de refuser à cause de sa situation mais la fin verra le triomphe de la jeunesse par une incroyable révélation sur l'origine de la jeune fille en question qui lui donne ainsi la possibilité d'épouser qui elle souhaite, tandis que l'union entre un homme âgé et une jeune femme est repoussée parce que c'est quelque chose qui s'oppose trop au sentiment naturel, ce qui rejoint un peu le Phèdre où il est déjà posé le fait que les semblables s'attirent et que les jeunes sont fait pour être ensemble.
Mais la structure a aussi des ressemblances avec le Malade imaginaire puisque on a l'opposition entre les projets du père et ceux des enfants, avec la même scène de quiproquo dans l'annonce des projets d'Harpagon, dans les deux pièces, nous avons le problème des intérêts égoïstes du père face à l'amour, et le problème du fondement d'un mariage, où pour Molière l'amour compte davantage que les considérations matérielles.
J'ai trouvé la pièce très intéressante dans la manière dont elle peint la passion de l'avare, qui m'a fait pensé à un chapitre de Bachelard, dans la formation de l'esprit scientifique où il est question d'une érotisation de l'objet de la recherche, ce qui apparaît dans une des dernières scènes, où Valère parle de sa passion pour Elise, tandis que Harpagon croit qu'il parle de sa cassette, ce qui est assez drôle, car on voit le vocabulaire amoureux appliqué à une cassette sans qu'Harpagon se rende compte qu'il est impossible qu'un tel objet puisse être l'objet d'une pareille passion.
Sur le décalage des désirs de l'avare et la manière dont il projette son désir sur autrui, j'ai relevé sur ce thème, ce passage :
"Va-t-en l'attendre dans la rue, et ne sois point dans ma maison, planté tout droit comme un piquet, à observer ce qui se passe et à faire ton profit de tout. Je ne veux point avoir sans cesse devant moi un espion de mes affaires, un traître dont les yeux maudits assiègent toutes mes actions, dévorent ce que je possède, et furettent de tous côtés pour voir s'il n'y a rien à voler."
Harpagon est en train d'accuser le valet de son fils de le voler, mais il est intéressant de voir que pour Harpagon, le fait même de regarder n'est pas un acte gratuit et que dans ce regard sur ce qu'il possède, il y a déjà une forme de prise de possession, le regard devient menace, pour Harpagon tout est motivé par le profit et la possession.
C'est une pièce intéressante et qui est par moment assez drôle, où l'Avarice est dépeinte avec précision, Harpagon étant un tyran domestique, qui n'a rien pour le sauver, contrairement au Malade imaginaire, qui est un peu touchant par sa peur de la mort et la manière dont il est la proie des autres, alors que l'Avare ne cède rien et est prêt à tout pour exploiter les autres.