Dans le cadre des Harlequinades 2009, je vais vous parler aujourd'hui de la Fée captive de Rebecca Flanders qui a été publié en 1984, le titre anglais étant Falkone's promise. Ce livre appartient à la collection série club, tout un monde d'évasion, qui est ainsi décrite en première page :
Ailleurs,
Demain,
Là-bas...
Une autre vie,
riche et colorée,
vous attend.
Une vie qui pourrait
être la vôtre.
Il vous suffit
d'un geste :
ouvrez un livre
de la Série Club...
C'est déjà tout un poème. J'aime beaucoup le côté désuet de ce livre(désuet d'ailleurs comme la piste d'atterissage vue par notre héroïne) mais du coup, j'ignore si c'est parce qu'il date des années 80 ou si c'est l'histoire, mais notre histoire sera très sage avec seulement des baisers plus ou moins volés, comme on pouvait déjà le présager par la couverture.
L'histoire : Dona part réaliser un reportage photographique sur le château du Faucon dans les îles Hébrides afin de promouvoir celui-ci dans un magazine de tourisme. C'est un reportage qui peut faire décoller sa carrière, du coup Dona essaie de faire bonne impression sur les châtelains et décide de faire une partie de la route qui lui reste à pied afin de commencer déjà à s'empreigner de l'atmosphère, sauf que sur le chemin elle est attirée par une voix d'homme qui chante et qu'elle prend pour un berger, elle se dissimule pour ne pas briser cet instant magique mais est découverte et le beau jeune homme lui vole un baiser. Notre héroïne se laisse d'abord aller à ce baiser puis sa raison reprend le dessus et elle reprimande l'inconnu qui s'avère être... Byron Boyd, le châtelain en personne.
Ce qui vaut déjà son pesant de cacahouète c'est la description de l'héroïne :
"Elle possédait une beauté hors du commun, qu'elle s'efforçait de dissimuler sous des tenues d'un extrême classicisme, à la limite de l'austérité. En de très rares occasions, elle acceptait de dénuder ses frêles épaules, ou de mettre en valeur les courbes harmonieuses de sa silhouette. Sa grâce irradiait alors, tel un diamant pur tout juste extirpé de sa gangue. Elle avait un petit visage de poupée, illuminé par des yeux immenses d'un gris très pâle. Mais ce qui frappait le plus, c'était sa chevelure. Aussi souple et soyeuse qu'une étoffe de vison, elle retombait en cascade jusqu'au milieu du dos, dérobant à l'automne mille nuances de blonds et de roux. Cela aussi, elle le dissimulait à tous les regards, en réunissant chaque matin ses boucles épaisses en un chignon méticuleusement épinglé au-dessus de sa nuque. Tout ce qui mettait en valeur sa féminitéconstituait, elle l'avait découvert au fil des années, un obstacle supplémentaire sur le chemin de sa réussite professionnelle."
L'essentiel de l'intrigue va être fondée sur cette femme qui représente la femme moderne qui cherche à se faire une place dans un monde d'homme et qui va se heurter à Boyd qui représente une vision plus traditionnelle de la femme et du mariage et qui cherche à faire surgir la femme qui est en elle. Le tout autour aussi du problème de la confiance, car notre cher Boyd se fonde entièrement sur les promesses et la confiance, tandis que notre héroïne refuse d'accorder sa confiance, donc finiront-ils à arriver à une entente ?
Mon analyse :
D'abord sur le thème du rapport à la sexualité, notre héroïne n'est pas une vierge de 25 ans, on nous laisse entendre qu'elle a connu d'autres relations mais que celles-ci s'étaient avérées décevantes car les hommes qu'elle a rencontré ne voient pas au-delà de son physique et se soucient peu de ses aspirations, donc notre héroïne n'est plus intéressée dans les relations sans lendemain et c'est pour cela qu'elle envoie promener notre beau châtelain, car elle ne veut ni être pour lui un dérivatif parce que ses fiançailles sont tombées à l'eau le mois précédant(sa fiancée l'ayant trompé avec un autre), ni être juste l'aventure d'un soir. Il faut donc qu'il ait engagement pour qu'il y ait consommation, il ne faut pas céder aveuglément au plaisir.
Du côté de Byron, on a une virilité qui semble menacée par la femme, par son caractère insatiable car il est porteur d'un discours misogyne, stigmatisant la tromperie des femmes, qui éveillent la libido masculines en paraissant dans des tenues légères(c'est vrai que moi, il ne me viendrait pas à l'idée de sortir avec juste sur le dos une chemise de nuit et un déshabillé en dentelles pour faire des photos en pleine nuit sur une propriété où je suis invitée...), ou par leur conduite et qui se retirent dès qu'elles sont satisfaites... en gros des allumeuses. Ce qui n'est pas sans nous rappeler Georges Duby, dans La femme, le chevalier et le prêtre, qui nous explique qu'au Moyen-âge la femme faisait peur, car les hommes craignaient de ne pas réussir à étancher l'insatiable désir de leurs épouses et de perdre leur force dans leurs efforts pour les assouvir. Donc à travers, les propos de Byron, on sent un retour de cette masculinité qui se sent menacée, parce qu'avec la libération sexuelle, la femme peut aller librement assouvir ses passions, au détriment des hommes qui sont des victimes des sensations que leur beauté vient éveillé en eux, n'y a-t-il pas le risque de voir les hommes ne plus être que des accessoires de la libido féminine, puisqu'elles refusent à présent la place qui jusqu'ici était la leur, au service de leur époux.
Byron est persuadé que notre héroïne est une allumeuse, car il interprête leurs différentes rencontres comme dans des tentatives de sa part à elle, pour le séduire, ce qui rend ses refus particulièrement irritant parce qu'elle a avivé son désir mais le laisse se débrouiller seul pour l'éteindre, ce qui a lieu surtout dans deux scènes, la première étant quand il la trouve en petite tenue dans le jardin alors qu'elle se cachait parce qu'elle s'est retrouvé à épier une conversation privée de Boyd et son ex et la deuxième lorsqu'elle accepte de faire une visite du chateau à la bougie où elle se laisse entraîner jusqu'au grand lit avant de lui dire non.
Du coup, on a le problème de qui fait des avances à qui ? notre héroïne inviterait-elle à son insu ? ou est-ce lui qui lui a fait des avances, voilà un problème à résoudre pour pouvoi faire avancer la relation en instaurant la confiance qui consiste à cesser d'imputer à l'autre de mauvaises pensées ou à le suspecter d'aller coucher ailleurs.
Un autre point que j'ai déjà un peu abordé est la question de la féminité moderne.
Notre héroïne est la femme moderne, qui refuse de regarder l'homme comme son seigneur et maître, qui cherche à s'imposer sur le plan professionnel où sa crédibilité semble sans cesse menacer par le fait qu'elle est une femme. Il faut choisir entre une vie professionnelle et une vie sentimentale, car la vie sentimentale se traduit beaucoup trop par le retour de la femme à ses fourneaux, or notre héroïne, comme c'est une femme moderne, refuse d'abandonner sa carrière pour un homme, il faut donc trouver un homme prêt à respecter cela et bien-sûr, Byron à la fin, lui prouvera, que malgré son attachement à la tradition, il est prêt à lui laisser sa liberté au sein de leur couple.
En mot de la fin, j'ai bien aimé ce livre, j'ai trouvé l'histoire agréable avec notre héroïne qui n'est pas décidée à s'allonger avec le premier homme qui l'attire et qui est tiraillé entre sa raison et ses passions et en petit plus, j'ai trouvé que Byron(bon prénom pour un ténébreux) Boyd avait un petit quelque chose de mr Rochester avec son comportement ombrageux et sa détermination à guider notre héroïne vers les joies de la féminité.
Et voici ma petite touche finale :
"La jeune femme était déchirée entre le désir qui enflammait sa chair, et le refus que lui inspirait sa raison."