En réponse à l'article de Neph que vous pouvez trouver ici : link, voici ma propre critique des Petits Dieux, histoire d'éclairer ce grand mystère : pourquoi est-ce mon volume préféré des annales du Disque-Monde ?
Ce volume fait partie des ouvrages indépendants du Disque-monde, donc mis à part La Mort et le Bibliothécaire qui fait une brève apparition, nous sommes en présence de nouveaux personnages et nous découvrons Om et sa religion qu'on retrouvera dans certains romans ultérieurs par le biais du Constable Visite(les-Infidèles-avec-une-brochure-explicative) et d'un des personnages de Carpe Jugulum. L'autre pays qui apparaît dans l'histoire est Ephèbe, équivalent d'Athènes et de la Grèce antique qu'on a déjà rencontré dans Pyramides et Eric, mais cette fois, on découvre véritablement la ville et ses philosophes, elle n'est plus à l'état d'ébauche comme dans Pyramides.
La thématique de ce livre est la religion et plus exactement la croyance, avec le Grand Dieu Om qui se retrouve incarné dans une tortue borgne et capable de communiquer seulement avec Frangin, un novice, qui connaît à la lettre les ouvrages des précédents prophètes et y croit, citant donc périodiquement la parole des prophètes sur le dieu Om pour démontrer à la tortue soit qu'elle n'est pas Dieu, soit qu'elle vient de dire quelque chose qui va à l'encontre des préceptes du grand Dieu, donc le livre va raconter le cheminement de Frangin vers la sagesse ou la condition de Prophète en comprenant le caractère purement humain des livres saints, tandis que le Dieu Om va découvrir qu'être un Dieu ce n'est pas simplement foudroyer les infidèles, piétiner les hérétiques mais aussi se préoccuper des fidèles et d'une certaine manière il va s'humaniser(il faut préciser de Pratchett sont fondamentalement égoïstes et à l'intelligence limité, passant leur temps à jouer avec les vies humaines, thématique qui se retrouvera dans un certain nombre d'ouvrage des annales.)
C'est un roman assez profond en fait vu qu'il met en question la religion et retrace sa formation avec la lutte des petits dieux pour obtenir un fidèle et de l'autre côté l'image du dieu déchu qui est encore plus pitoyable. Mais on a aussi un questionnement sur les systèmes politiques et aussi sur la philosophie, avec l'étonnement outré de Frangin devant la joie des philosophes de pouvoir tout remettre en question. Les querelles philosophiques qui ont lieu dans l'oeuvre sont aussi très jouissive quand on a soi-même été confronté dans Platon aux interrogations sur Y-a-t-il du néant, l'univers est-il simple ou complexe qui sont des passages pénibles dans Platon et qui existent réellement dans les ouvrages antiques mais aussi dans un certain nombre d'ouvrage moderne(non, je ne dénoncerai personne, soyons charitable). Les Petits Dieux est un ouvrage qui ne s'apprécie pas à sa juste valeur lors de la première lecture mais qui s'enrichit avec les relectures, car c'est seulement ainsi qu'on parvient à saisir toutes les références, et dépasser le fait qu'il n'est pas forcément aussi drôle que les autres au premier abord, car il faut davantage de réflexions et de connaissances pour réellement saisir l'humour du livre.
J'aime beaucoup la manière dont le Tyran s'occupe de la délégation d'Omnia, car finalement la société esclavagiste s'avère plus humaine en dépit des apparences que la société Omnienne où finalement l'exquistion a ôté toutes libertés aux hommes sans aucun espoir d'un changement de condition. On a toute l'horreur de l'Inquisition qui est ici dénoncé mais aussi son effet néfaste non sur les victimes mais sur les survivants qui par peur de devenir victime se font complices des Bourreaux. Honorbrachios est une sorte d'anti-platon voir même d'anti-philosophe, car il privilégie les problèmes concrets et en même temps représente le garant d'une humanité qui se trouve menacée par la lutte pour faire triompher la vérité d'une conviction, or les hommes ne devraient pas se sacrifier pour une idée, ici exprimé par l'expression "la tortue se meut".
La scène où on voit Honorbrachios pour la première fois, faisant en fait la vente de proverbe "We Can Do Your Thinking For You" est une scène que j'aime beaucoup, car quand je lis les ouvrages de Diogènes Laërce ou des récits d'époque, j'ai un peu cette vision de la société antique, DIogène qui erre par les rues, nimbé de cette aura de philosophe qui fait qu'on pense à lui de façon positive alors qu'en fait il n'était pas forcément plus différent de certains clochards que l'on voit aujourd'hui ou Socrate qui va faire de la philosophie en tout lieu, finalement cette vision des philosophes qui mèneraient leur petit train de vie dans leur monde à eux sans avoir à se soucié de la société, c'est un peu l'image que j'ai, même si je sais que c'est une imge fausse.
Voici quelques citations qui me sont chères dans ce livre soit parce qu'elles sont la remise en question de la sainteté de la parole prophétique, ou parle de philosophie ou encore d'autres remarques drôles ou percutantes :
"And the Prophet Abbys ? I suppose someone just happened to give him the Codicils, did they ?"
"It wasn't me -"
"They're written on slabs of lead ten feet tall!"
"Oh, well, it must have been me, yes ? I always have a ton of lead slabs around in case I meet someone in the desert, yes ?"
"What's a philosopher?" said Brutha.
"Someone who's bright enough to find a job with no heavy lifting," said a voice in his head.
It looked like other birds looked after an oil slick. Nothing atescalbies, except other scalbies. Scalbies ate things that made a vulture sick. Scalbies would eat vulture sick
"You can't believe in Great A'Tuin," he said. "Great A'tuin exists. There's no point in believing in things that exist."