Voici un article du 26 avril 2008 :
Me voici de retour de la Comédie Française où j'étais allée voir le Misanthrope, j'admets qu'en soit la comédie telle qu'on la trouve chez Molière n'a pas souvent mon adhésion mais là... Le premier problème fut l'acteur principal : il ne convenait pas à ce rôle, il faisait trop âgé et ses cheveux grisâtres étaient sensés lui donner un air négligé de héros qui refuse les conventions de la société, le seul hic, Alceste n'est pas Jean-Jacques Rousseau, ce n'est pas parce qu'il refuse la mode qu'il est forcément mal mis et le héros romantique a les cheveux noirs et une certaine élégance. Autre point, à sa manière de jouer, on aurait dit qu'il incarnait un ivrogne. Il avait un côté vulgaire, pleurant à la moindre contrariété, beuglant sans que l'on comprenne forcément ce qu'il articulait et parfois sa manière d'être et sa déclamation étaient trop artificielles sans que l'on sente derrière cela une volonté de mettre en question la parole théâtrale. Il donnait l'impression de sans cesse se mettre en scène, une sorte de distance ironique, or Alceste est sensé être celui qui se présente à nu, le sincère. Je trouvais au personnage une grandeur et une noblesse que l'on ne retrouvait nullement dans cette mise en scène où il n'était rien d'autre qu'un pourceau, beuglant, pleurant, frappant, se ruant, il s'agit de rire de son excès mais est-ce un rire de cette sorte que Molière voulait provoquer, ce n'est pas certain.
Le décor et les costumes auraient convenus s'ils s'harmonisaient avec la mise en scène. Il y avait trop d'excès, ça braillait, bondissait, se tripotaient trop. Ils passaient leur temps par terre, on sentait là que le metteur en scène avait fait une trouvaille : on pourra dire qu'il a fait beaucoup usage du sol. Un de mes problèmes a d'ailleurs été que par moment, on se demandait si Alceste ne voulait pas plutôt mettre Philinte dans son lit, d'une manière involontaire Alceste dans sa querelle de la première scène m'évoquait Michel Serrault dans la cage aux folles ou la baron Vladimir Harkonnen. Dans la série des excès, lorsque la prude Arsinoé vient raconter à Célimène ce qui se dit sur elle dans le monde, chaque parole est ponctué d'un éclat de rire comme si le texte de Molière avait ainsi besoin d'être souligné, le spectateur est assez grand pour comprendre tout seul que ces paroles ne sont pas à prendre au pied de la lettre.
Le seul atout était l'acteur qui jouait Philinte. Ce personnage fut très bien joué, il avait une ironie face aux excès d'Alceste qui venait désamorcer pour le spectateur l'éclat des emportements d'Alceste sans que l'on tombe dans le vulgaire de la farce. Oronte fut aussi bon.
En dehors de cela, on ignore quel sens transcendant on pouvait retirer de la pièce ni pour quelles raisons elle devait nous toucher. Si le metteur en scène avait eu pour intention de mettre en question notre société, ce fut raté. Il y avait pourtant des possibilités mais là, il faut dire ce qui est, on se noie dans les aspects grossiers et l'on ne perçoit rien qui vienne nous troubler, nous obliger à nous interroger ou qui nous mette mal à l'aise. C'était vide. On ne peut pas dire qu'il y a un déchirement de l'homme par ses passions, enfin la manière dont Molière peut aborder ce terme ne correspond à ce qui aurait pu en être le signe dans la mise en scène. Le personnage du Misanthrope est réduit au ridicule alors que le personnage n'était pas que cela. Pour une fois, je suis déçue de la pièce que j'ai vu.